Le droit d’avoir peur

Pourquoi l’émotion de peur est utile

La peur est une émotion qui permet de marquer un danger pour la personne. Les émotions nous permettent de prendre des décisions sensées malgré une multitude de paramètres. Sans peur nous aurions beaucoup de mal à prendre en compte une information reflétant un danger quand celle-ci serait noyée parmi beaucoup d’autres informations (ce qui est pratiquement toujours le cas).

Exemples de répressions

Un petit enfant est en haut du toboggan et dit “j’ai peur”, alors le parent dit “Mais non, faut pas avoir peur, vas-y descend” et une fois en bas dit “Bravo tu es un grand garçon.”.
Dans cet exemple on voit que le parent apprend à l’enfant à dépasser sa peur et valorise ce dépassement. Comme si la peur était une mauvaise chose, et donc comme si la peur était à éliminer. Remarquons que si le parent disait “je ne vois pas de danger”, il donnerait alors une information objective à l’enfant sans pour autant porter de jugement sur sa peur.

Un petit enfant est en haut du toboggan et dit “j’ai peur”, alors les autres enfants se moquent de lui en le montrant du doigt et en disant: “hou le bébé, il a peur le bébé”.
Les enfants s’embarrassent moins de manières et expriment directement l’essentiel de ce qu’ils ont ressentit par ailleurs, c’est pourquoi ils traduisent là ce que notre culture nous transmet: la peur est une émotion à réprimer.

Un enfant pleure et exprime sa peur d’aller à l’école. Les parents se sentent mal devant le sentiment d’abandonner leur enfant et devant son désarroi. Mais ils répriment alors leur sentiment, et aussi leur enfant en le forçant physiquement et en lui disant des phrases telles que “tu es un grand garçon maintenant”.
Ce type de phrase fait pression sur l’enfant en faisant référence à la menace d’être considéré comme un bébé (c’est à dire très bas dans l’échelle sociale). Même en voulant garder le principe de l’école il serait tout à fait possible de faire un passage très graduel dans le monde de l’école en laissant les parents y rester l’instant que l’enfant se sente en confiance. Si on ne pratique pas un tel système c’est pour garder ce rite de passage montrant à l’individu qu’il appartient en premier lieu à la société, et non à lui-même.

L’idéologie de soutient à la répression de la peur

“En dépassant sa peur on devient plus fort”. “La peur est une émotion éprouvée par les faibles”. “La peur est une émotion enfantine”. “Si on te force à vivre ce qui te fait peur alors tu auras dépassé ta peur.”

Ces phrases négligent le fait que “faire semblant” et “faire” ne sont pas les mêmes choses. On peut ne plus avoir peur quand on comprend que l’on maîtrise la situation. Réprimer son émotion de peur n’est pas la dépasser mais la cacher, cacher n’est pas détruire, la peur est là mais enfouie plus ou moins consciemment. La personne a alors toujours peur mais en plus utilise beaucoup d’énergie pour réprimer sa peur. Ainsi on se trouve adulte sans énergie apparente, devant la télé, sans savoir pourquoi on se retrouve vide. Ce n’est pas que l’on est réellement vide, mais que l’on réprime tellement d’émotions que l’on n’a plus beaucoup d’énergie pour autre chose.

La peur et la société

La peur fait parti des émotions les plus basiques, c’est un système de sécurité très puissant. La peur est aussi très communicative. Quand une personne exprime sa peur il est alors très difficile pour son entourage d’agir autrement qu’en prenant en compte la personne, même si l’entourage sait pertinemment que la peur est infondée pour cette situation.

Dans une société hiérarchique comme la nôtre, ce sont les chefs qui décident, les inférieurs doivent se conformer. Comme les émotions servent à décider, les inférieurs doivent réprimer les émotions qui ne vont pas dans le sens de leurs devoirs. Ils doivent donc utiliser leur sentiment de soumission pour réprimer leurs émotions, dont la peur. À l’inverse les chefs doivent exprimer publiquement leur émotions pour orienter le groupe. Le chef ne montrera pas sa peur (car il doit être fort et actif) mais montrera alors de l’agressivité.

Si on montre que l’on a peur alors cela implique que l’on ne maîtrise pas entièrement une situation. Si on veut paraître plus fort que l’on est alors il faut souvent cacher sa peur. Comme nous sommes dans une société où le paraître est important (et où le niveau de mensonge est élevé), il est alors normal de cacher sa peur.

Pourquoi exprimer sa peur est un droit important

Pour cacher une peur nous l’enfouissons dans les profondeurs de notre inconscient. Ce travail, cette guerre à l’intérieur de notre cerveau, a des conséquences importantes pour notre conscience car nous sommes fait pour exprimer nos émotions. En exprimant nos peurs nous pouvons nous faire aider et ne plus avoir à faire ce travail anti-naturel. Mais cela passe par une prise de conscience de la répression de la peur, de ses propres peurs, et par un changement d’organisation sociale pour passer à un système moins hiérarchique.

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