Dans ce texte je regarde en quoi notre culture est encore très guerrière et en quoi elle est en train de passer à un mode plus cultivateur. Pour cela je dresse les portraits de deux profils extrêmes: le guerrier et le cultivateur.
Il est difficile de voir la poutre que l’on a dans l’oeil, ainsi on voit nos enfants jouer avec des armes factices, regarder des films de batailles, et souvent on n’en conclue pas que c’est simplement parce que notre culture est guerrière et qu’ils apprennent par là à s’y adapter.
Le cultivateur
Le cultivateur considère qu’il a un certain territoire pratiquement immuable et fait avec. Quand le cultivateur a un problème il réfléchit à le solutionner avec les moyens du bord. Il est attaché sentimentalement à son territoire et quand quelque chose est abîmé il est embêté. Il a besoin de collaborer avec ce qui l’entoure, par exemple il a besoin d’un chat pour chasser les souris, de partager des outils avec ses voisins etc. Quand quelque chose ne va pas, il ne cherche pas à le détruire car alors cela lui nuirait, mais il cherche à réparer.
Le guerrier
Le guerrier considère le territoire comme infini, il détruit ce qui ne lui convient pas et cherche à prendre par la force ce qui lui convient. Il ne cherche pas à comprendre son entourage mais à le dominer, sa petite compréhension se limite aux techniques de guerre. Il a un grand sens de la hiérarchie car il fonctionne dans un système de domination.
Why ?
Pourquoi la guerre ? Pourquoi l’élimination (physique, professionnelle etc) des personnes ? Nous pouvons constater des violences dans le monde animal similaires à nos guerres, par exemple les loups se font la guerre du territoire entre meutes. Mais actuellement nous souffrons beaucoup de l’existence de ces violences dans notre société. En plus de cette violence, nous sentons aussi une grande injustice dans tout cela. Je pense que ce sentiment d’injustice vient beaucoup du fait que nous sentons qu’il est possible de vivre autrement, et que cette autre manière de vivre nous soulagerait énormément, tellement énormément qu’il n’y a pas de mot pour le dire.
La vie comprend en elle-même l’idée de sélection, d’essai, de retour arrière dans les essais. On retrouve ce mécanisme dans la sélection naturelle, mais aussi dans la manière de fonctionner de notre esprit. Les idées, comme les chromosomes, sont les briques d’un système vivant. Ainsi quand nous pensons nous explorons des voies et nous sélectionnons les bonnes idées et éliminons les mauvaises. Cela ne nous parait pas injuste d’éliminer les mauvaises idées, et pourtant c’est une sorte de meurtre d’idée. Mais alors pourquoi l’élimination d’un humain nous parait plus injuste ? C’est parce qu’un humain n’est pas totalement mauvais, il représente beaucoup de valeurs positives et l’éliminer est un gâchis épouvantable, tellement épouvantable qu’il est à parier que celui qui commet ce meurtre est pire que l’humain éliminé.
La conclusion de ce “why ?” est que le principe d’élimination est utile, mais nous pouvons le mettre à une place (surtout au niveau des idées) où il serait énormément moins destructeur.
Le guerrier moderne
Le guerrier moderne vie dans une grande société, seuls certains ont la tâche de la violence physique (police, armée etc), les autres utilisent des moyens plus indirectes. Mais le fondement reste la violence physique.
Ainsi beaucoup d’enfants subissent la menace de leur parents d’être emmené par la police pour aller en prison. Souvent les parents déguisent ces menaces en blagues pour ne pas paraître maltraitant, mais en pratique ils font toujours attention pour que l’enfant en ait réellement peur. Cette menace n’a plus d’appuis réel que depuis peu:
Le Code Civil de 1804/article 376: “Si l’enfant est âgé de moins de seize ans commencés, le père pourra le faire détenir pendant un temps qui ne pourra excéder un mois ; et, à cet effet, le président du tribunal d’arrondissement devra, sur sa demande, délivrer l’ordre d’arrestation.”. Ce droit du père est tombé en désuétude seulement en 1970, voir par exemple wikipédia sur l’autorité parentale.
Le guerrier moderne conçoit les autres comme des concurrents, il doit réussir à faire sa place en se battant, par exemple en abaissant les autres pour mieux se hisser. Ainsi il va avoir une activité sociale consistant beaucoup en batailles: dénigrer les autres, chercher à se montrer le plus fort possible, monter dans la hiérarchie. Il va concevoir ses souffrances comme causées par des choses à éliminer (personnes, comportements etc) et non comme un mécanisme à comprendre pour trouver la cause de la souffrance et agir avec un minimum de destruction.
Par exemple si une personne fait du bruit le guerrier moderne va vouloir se montrer fort et près à brutaliser le gêneur, pour cela il va faire une “danse de guerre” consistant à écarquiller les yeux, crier, montrer ses dents etc. Le guerrier moderne expliquera son comportement comme l’expression de sa colère, sans voir que la colère est un mécanisme de survie permettant de concentrer son énergie vers l’agressivité. Le guerrier moderne utilise beaucoup de tels mécanismes psychologiques de survie car il est lui-même dans un fonctionnement ne sortant pas de ces mécanismes: il a été élevé dans la peur ce qui le maintient dans des mécanismes très basiques. L’atmosphère de concurrence lui fait continuellement sentir la nécessité de se montrer fort et il ne pourra donc pas exprimer de désarroi, peur etc. Il ne conçoit alors même pas d’aller voir son voisin pour lui exprimer sa souffrance causée par les bruits, son voisin guerrier étant sensé être dépourvu d’attachement sentimental envers son entourage.
Le cultivateur face au guerrier
Le guerrier moderne imagine que le cultivateur veut l’éliminer, ou au moins le punir, le dénigrer, le mépriser etc. Car il ne conçoit pas un autre mode de fonctionnement, car il n’a qu’une représentation très simple de son environnement, ce qui ne lui permet que très peu d’entrevoir d’autres formes de conscience.
Quand au cultivateur, il aura beaucoup de possibilités une fois qu’il aura suffisamment compris comment fonctionne notre société, la psychologie humaine etc. Mais je crois que l’on manque sérieusement de cultivateurs modernes sur cette planète…